jeudi 22 décembre 2011

Le Noël de l’imposteure

« Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas de laisser deux Ativans dans mon petit soulier ! »

Vous l’aurez deviné, le temps des fêtes est une période extrêmement anxiogène pour moi. Un temps de l’année où mon syndrome se manifeste avec la force d’un volcan. Ce qui est paradoxal, puisque j’adore Noël et le Jour de l'an même si j’ai souvent eu envie que cette période se termine avant même qu’elle n’ait commencée.

À cause :

De la course folle dans toutes les boutiques du centre-ville et même (soupir) dans les centres commerciaux de banlieue.
De l’achat des cadeaux. Pas la bonne affaire ? Cheapette ? Too much ?
Du retour des cadeaux... avant même de les avoir offerts. Du ré-achat, du re-re-retour.
De la quête du sapin parfait, avec un beau top, pour que l’étoile soit droite.
De la répartition des maudites lumières dans l’arbre, de façon équilibrée, en prenant soin de bien camoufler le fil, sans faire tomber trop d’épines dans la bouche de chauffage.
Du gaspillage honteux de papier collant.
De ma famille : « Qu’est-ce que tu fais de bon ? Tu ne travailles pas... ha... » .
De sa famille...
De la nappe, toujours trop courte ou trop longue.
Sans oublier le ragoût frette, les patates pas assez salées, les carottes ratatinées, le vin qui n’a pas assez respiré, la salade oubliée sur le coin du comptoir. The list goes on.

À chaque année, je subis le même supplice. Debout au milieu de ma cuisine, je suis soudainement prise d’un vertige, mon cerveau ne répond plus et j’ai besoin d’absorber une grande quantité d’alcool pour m’en sortir. M’imaginer seule sur une plage de Maui m’aide aussi à surmonter l’épreuve.

« Fais-le pas si ça te stresse tant que ça ! » me répète mon chum. « Ben non ! Si je reçois pas, qui va le faire ? ». Sans vouloir me déprécier, je ne suis pas la meilleure hôtesse. Trop exigeante, trop insécure, j’ai déjà dit à mes convives en les servant que ce qu’ils s'apprêtaient à manger était infecte ! Mais je persiste parce qu’en dépit des malaises et des tensions, je demeure une inconditionnelle de la famille, une sentimentale, avec un grand besoin de tradition. Et j’imagine qu’on me pardonne mes plats froids et mon manque de décorum parce que c’est quand même chez moi que se réunissent les gens.

Cette année, j’ai bon espoir de garder mon anxiété sous contrôle, puisque j’ai déjà fait quelques micro pas dans la bonne direction. J’ai délégué le choix du sapin à ma douce moitié, en m'assurant de quitter la pièce au moment de l'installation des lumières. Je n’ai formulé aucune critique ou « suggestion », préférant me laisser charmer par les éclats de rire de mes enfants sur fond de vieux jingles de Crosby et Sinatra.

Je vous laisse d’ailleurs sur
Rockin’ Around the Christmas Tree, de Brenda Lee, un classique qui me met instantanément de bonne humeur. À chaque fois que je l’entends, je m’imagine en train de déambuler sur la Cinquième Avenue à New York sous une fine neige, les joues rosées, des paquets plein les bras.

Joyeuses fêtes ! En espérant vous retrouver en 2012 pour d’autres billets.



vendredi 16 décembre 2011

Karaté ! Karaté ! Assassiner la voix

Je pense que je suis folle. So what, me direz-vous, on l’est tous un peu... Non mais vraiment folle, au point d’avoir souvent considéré faire ma petite valise et me présenter à l'urgence de l’hôpital Douglas. Histrionique ? Beaucoup. Hypocondriaque ? Énormément. Je me suis déjà auto-diagnostiquée tous les troubles mentaux du DMS-IV, de la bipolarité à la schizophrénie, en passant par les troubles obsessionnels compulsifs. C’est parce que voyez vous, j’entends une voix. Rien à voir avec les conspirations communistes imaginées par John Nash dans Beautiful Mind. Non, une seule et unique voix : la mienne. Méchante, intransigeante et sournoise. Toujours au rendez-vous pour me casser mon party et me rappeler que je suis juste ordinaire et dans les journées de grande forme, que je suis carrément nulle.

Je ne me souviens plus exactement quand « la voix  » est apparue. Elle a probablement toujours été là mais sa présence s’est intensifiée à la naissance de mes jumeaux et à pris une ampleur démesurée lors de mon retour au travail. Épuisée émotionnellement, siffonée par mes deux petits vampires, je n’avais plus la force mentale de la repousser. Toute résistance s’est avérée futile et « la voix  », triomphante, a fini par résonner dans tous les recoins de mon cerveau.

C’était au printemps et depuis, je tente par tous les moyens de m’en débarasser. J’ai d’abord essayé de l’envoyer paître mentalement, sans succès. Puis, de me répéter le grand classique des mantras féminins « t’es bonne, t’es belle, t’es capable ». La voix a trouvé ça pathétique et a ri à gorge déployée. Et il y a eu la goutte qui a fait débordé le vase : le blogue. « Tiens la voix !  ». « T’es bouchée, hein ! ». « Un beau blogue original, bien écris... ». La vache, elle a eu le culot de trouver ça poche !

Il ne me restait qu’une option : l’assassiner. Mais comment ? J’ai tout essayé, les insultes, les mantras, l’indifférence, rien ne marche, je suis infectée ! Un beau jour, j’ai simplement décidé de lui claquer la porte au visage en demandant à mon esprit de lui crier Karaté ! Karaté ! chaque fois qu’elle osait se présenter. Ça a marché... la voix a été affaiblie certes mais j’étais complètement brûlée, parce que tout un été de karaté mental, ça vous laisse la tronche en compote. Et moi qui me suis toujours sentie anormale... disons que Karaté ! Karaté ! n’a rien fait pour arranger l’auto-diagnostic de schizophrénie...

Six mois plus tard, la voix est encore présente mais elle vivotte. Et le plus extraordinaire dans tout ça, c’est que je suis en train de la mater avec nulle autre que la course à pied ! Ho, oui, la course. C’est une douce vengeance que de la faire mourir à petit feu en se mettant en forme, elle qui m’a répété si souvent que je n’étais pas une vraie joggeuse, que j'étais une pâte molle, une lâcheuse. Karate ! Karate ! a été remplacé par le rythme de mon souffle, le beat de la musique dans mes oreilles et le bruit de mes runnings sur l’asphalte.

Assassiner la voix, doucement, un entraînement à la fois. La sentir plus faible et plus essoufflée que moi. Encore trois petits kilomètres et elle sera morte et enterrée, je vous le jure.




vendredi 9 décembre 2011

L'enfer, c'est les autres

« Là ! là ! Je suis le miroir aux alouettes ; ma petite alouette, je te tiens ! »
- Jean-Paul Sartre, Huis clos

Je commence en me justifiant. Dans mon dernier billet, j’annonçais la fin du chapitre de l’analyse pour passer en mode « anecdotique ». Ce n’est pas tout à fait exact... Comme je ne peux m'empêcher de décortiquer et d’élucider compulsivement, mes billets seront donc un mélange des deux ; des tranches de vie tartinées d’une généreuse couche d’analyse à 5 cents.

Voilà, c’est dit, je suis soulagée et je peux dormir en paix. Heu mais pourquoi cette importante précision au juste ? Je parie que ce détail vous avait complètement échappé et surtout, que vous vous en moquez éperdument ! C’était plus fort que moi. J’étais convaincue d’avoir manqué de cohérence dans mes propos, faute grave pour tout manieur de plume qui se respecte. Je suis une blogueuse légitime seulement si j’ai votre approbation, parce que c’est dans votre regard que j’existe. Bienvenue dans mon enfer : les autres.

Bon, c’est un un peu lourd d’existentialisme tout ça mais j’exagère à peine, je vous le jure ! C’est tout à fait normal d’éprouver le besoin de plaire, sauf que quand il s’agit de la coiffeuse, du chauffeur d’autobus et du gars du dépanneur, on a un problème ! Combien de fois dans un contexte professionnel ai-je omis de donner mon opinion ou de prendre position sur un sujet de peur d'avoir l'air nouille devant mes collègues ? Sans compter les fois où je me suis laissé démolir par la critique d’un patron concernant un de mes projets. Et ces foutus courriels que j’ai relus deux, trois, quatre et même cinq fois avant d’appuyer sur le bouton Send ! Et le piéton à qui j’ai donné les mauvaises directions et que j’ai rattrapé à la course pour rectifier. Et la voisine à qui j’ai envoyé la main et qui m’a ignorée simplement parce qu'elle ne m'avait pas vue et dont le « non-geste » m'a rendu malheureuse. Et mon chum que j'ai harcelé quand il ne m'a pas adressé la parole parce qu’il était distrait ou fatigué : « Qu’est-ce qu’il y a ? », « Qu’est-ce que j’ai fait ? », « Tu es fâché ? », « Tu ne m’aimes plus ? ». Et quand j’ai décidé de rendre ce blogue public, seigneur... Un fois le lien publié sur Facebook, je me suis roulée en boule sous la table le coeur battant, refusant jusqu’au soir d’aller lire vos commentaires ! Des exemples comme ceux-là, j’en ai assez pour noircir les pages de dizaines de cahiers.

La dépendance à l’approbation des autres est un enfer sans fond et ce qui est décourageant dans mon cas, c’est qu’elle englobe tout le monde, même ceux qui n’ont aucune importance à mes yeux. Cette dépendance me pèse et j’ai envie de la jeter par la fenêtre ! Mais comment fait-on pour s’en foutre ? Pas complètement, juste un peu, au bon moment, avec les bonnes personnes. Comment fait-on pour doser ?

Et bien avant même d’apprendre à manier la dosette, je dois évaluer mon niveau d’exigence envers moi-même, qui, aux dires de la Psy, est complètement irréaliste. Comme je suis sans pitié à mon égard, j’ai besoin de l’approbation et surtout des éloges d’autrui pour me donner confiance. Si je ne l’obtiens pas, je déprime.

Soupir... C’est du gros boulot que d’arriver à se défaire d’une emprise comme celle-là. Tiens, pour me réconforter je vais relire Huis clos et ricaner en savourant les flèches venimeuses d’Inès à l’endroit de cette pauvre Estelle. Rire... ou bien pleurer ?

jeudi 1 décembre 2011

La correction négative

Jusqu’à présent, mes billets ont été rédigés avec l’intention d’établir le personnage de l’imposteure en exposant ses origines. Un personnage qui a mis des années à se construire sur la base de croyances tenaces et de quêtes obsessionnelles, qui a pris des proportions démesurées et qui aujourd’hui tient le premier rôle dans ma vie. Avant d’entamer la portion anecdotique de la manifestation de mon syndrome, je souhaite aborder un dernier thème central à l'imposteure : la correction négative.

Ce billet aurait pu s’intituler « recherche compulsive de la perfection » mais je préfère employer le terme « correction négative », puisqu’il me rappelle les dictées de mon enfance. En fait, je vis une évaluation constante. Du levé au couché, du lundi au dimanche, du mois de janvier au mois de décembre, sans oublier les nombreux bilans de vie... de quoi vous rendre complètement dingue ! Vous vous demandez sûrement « mais qui l’évalue au juste ? ». Et bien moi... et surtout, les autres.

Pour me sentir à ma place, pour me valider comme fille « qui a rapport » dans son rôle de mère, dans sa job, dans ses interactions sociales, dans ses choix et dans la vie en général, je dois TOUJOURS obtenir une note parfaite. Je commence chaque journée avec un score de 100 % et au fil des heures, je perds des points, j’en regagne, j’en reperds etc. mais je termine rarement avec un score satisfaisant. Et même les journées remplies de bons coups finissent par être assombries par ce que je considère être des gaffes ou des erreurs monumentales. Des trucs mineurs mais qui dans ma tête, se transforment en scénarios de fin du monde !

C’est que dans le petit monde de Catherine Masson, un -1 à la dictée s’avère certainement un détail anodin pour le commun des mortels. Des dents croches -1, impatience avec mes enfants -1, un texte à retravailler -1, un deadline manqué -1, une engueulade avec mon chum -1, seulement 5km de jogging -1, une poutine...-10 !

La correction négative est devenue un handicap majeur dans ma vie. Parce qu’en plus de me l’imposer constamment, je ressasse « mes erreurs » jusqu’à épuisement. Au lieu de me dire « OK, c’était moyen mais c’est pas grave, je ferai mieux la prochaine fois », j’analyse et je décortique ad nauseam, jusqu’à me donner des migraines et à me causer de l’insomnie. Parce que « les erreurs » entachent ma dictée et me privent du score parfait qui valide ma compétence et ma pertinence, provoquant à tout coup une terrible remise en question et un torrent d’anxiété.

C’est récemment que j’ai pris conscience de ce comportement destructeur. Les quelques personnes à qui j’en ai parlé sont restées bouche bée devant la rigidité et la sévérité que je m’imposais. Et honnêtement, n’eût été du presto qui était sur le point de sauter, j’aurais continué à me corriger obstinément. Fait ironique, moi qui ai toujours détesté les examens...

Je progresse, même si le crayon rouge n’est jamais très loin. On ne se reprogramme pas aussi facilement ! En attendant, je m’accorde un point pour avoir été capable de reconnaître et de m’attaquer au problème.


mardi 22 novembre 2011

T'es brillante

For Shauna.*

Quel est le plus beau compliment que l’on puisse me faire ? Me dire que je ne fais pas mon âge évidemment mais surtout, me dire que je suis intelligente. Mieux encore, que je suis brillante. Qualificatif indissociable du piano et des mathématiques - des thèmes récurrents dans ce blogue - et qui symbolise la coche au dessus, le champagne et le caviar de l’intelligence.

« Et que c’est brillant c’te p’tite fille là », était la phrase fétiche de mon père pour décrire les jeunes pianistes et violonistes qui fréquentaient son école à vocation musicale. Les brillants et brillantes étant également ceux et celles qui n’avaient pas besoin de visualiser une tarte pour comprendre le concept des fractions ! Bref, pour être intelligente et surtout « briller », il fallait être bonne en maths et jouer du piano. C’est en tout cas le modèle que j’ai mis en place très tôt dans l’enfance et qui m’a suivi une bonne partie de ma vie... Sauf que je n’ai jamais été bonne en maths et très moyenne au piano, surtout quand venait le temps de calculer le nombre de doubles croches dans une ronde.

Le piano a été évacué assez rapidement, plus précisément à l’âge de douze ans, suite à une contre-performance lors d’un concert de Noël. Enrhumée, fatiguée et avouons-le, ayant expédié mes pratiques, j’ai eu un blanc au premier morceau, une exigeante sonate de Mozart qui avait provoqué cris et larmes en répétition. Après cinq longues minutes de néant total, je crachai finalement un morceau insignifiant de deuxième année de piano : le jongleur. La honte ! Un enfant de cinq ans aurait fait mieux que ça. Même si les petites mamies de la Place Rosemère ont bien essayé de me consoler, c'en était fait de ma carrière de pianiste. J’ai d’ailleurs toujours refusé de jouer en public depuis...

Avec les maths, c’est une autre histoire. Je n’aime pas et je n’aimerai jamais les chiffres. En fait, je les DÉTESTE, pire, je les crains. Ne me demandez pas de retenir un numéro de téléphone ou une combinaison de cadenas, je n’y arriverai pas. Je compte encore sur mes doigts, je suis incapable de séparer l’addition et je refuse d’apprendre à utiliser Excel convenablement. Pourtant, qui s’est tapé tous les cours de calcul différentiel et d’algèbre linéaire au Cégep ? C’est Bibi ! Et même à l’université, étudiante en sciences humaines et sociales, je me suis mise en tête de refaire des intégrales et des vecteurs, question de bien comprendre les modèles économiques de Keynes et Friedman ! Mais pourquoi donc ? Pour prouver que je n’étais pas simplement intelligente mais brillante.

C’est d’ailleurs dans un cours d’algèbre à l’université York que j’ai fais la connaissance de Shauna Saunders, une petite rouquine à lunettes originaire de la Saskatchewan déjà occupée à refaire le monde. Je n’avais aucune chance dans ce cours destiné aux futurs économistes de la Banque du Canada, mon résultat catastrophique à l’examen de mi-session me l’ayant rappelé de façon brutale. Durant la pause, Shauna m’avait offert une boite de Smarties question de me remonter le moral. I’m giving you Smarties because I still think you’re smart." À chaque fois que j'en mange, je pense à Shauna et à ce moment charnière de mon existence où j’ai commencé à me dire qu’il existait peut-être d’autres formes d’intelligence. Que pour être appréciée et réussir dans la vie, il valait mieux être dotée d’une intelligence émotionnelle que d’être un génie mésadapté socio-affectif ! Et surtout, qu'il était possible de « briller » avec du charisme et de la personnalité sans nécessairement avoir obtenu un MBA !

Malheureusement, mon obsession de la musique et des mathématiques revient me hanter périodiquement, particulièrement lorsque je vis une « crise d’imposteure ». Des moments où j’ai l’impression d’être la seule à ne pas « catcher », d’être complètement à côté de la plaque, que mes réalisations sont en fait l’oeuvre du Saint Esprit... Et c’est une bataille de tous les instants d’arriver à me convaincre que je suis le moindrement intelligente. Cent fois plus dur que d’apprendre une sonate ou que de résoudre une équation différentielle.




* When I was still trying to figure out what to do with my life, Shauna Saunders already knew she wanted to do a Ph.D in Economics. Growing up in the Prairies, she had witnessed child and women poverty among Aborigial communities, and was determined to find solutions to reduce the gab between rich and poor. After her undergraduate studies at York, she went on to pursue a Masters’ Degree at U of T and a Ph.D. at Duke University. Shauna is one of the most gifted individials I have ever met in my entire life but unfortunately, she was also seriously ill with Crohn’s disease. She died of kidney failure shortly after she submitted her doctoral thesis. Shauna, you always told me the most beautiful thing about Saskatchewan was its endless blue sky. I hope this is where you are.

mardi 15 novembre 2011

Le Talent naturel

“ Do not worry about your difficulties in mathematics, I can assure you that mine are still greater.” - Albert Einstein

Quand vous pensez à l’absence de talent, l’image qui vous vient à l’esprit est peut-être celle d’un BS de troisième génération qui passe ses journées à boire de la bière assis sur son perron, d'une animatrice de Call TV ou simplement, du bonhomme allumette que vous arrivez à peine à dessiner. Quand je pense à une personne dépourvue de talent, vous l’aurez devinez, je pense à moi.

J’exagère... un peu. Je ne suis pas complètement débile quand même, je conduis une auto manuelle, j’ai accouché de deux enfants, je fonctionne en société ! Ce que je veux dire, c’est que je suis convaincue de n’avoir aucun talent particulier. Des qualités, oui, mais pas de vrai talent ou ce que j’appelle le Talent naturel avec avec un grand T. Le talent d’une puce de cinq ans qui exécute un menuet ses petits poignets parfaitement alignés au niveau du clavier, du vietnamien assis en avant de la classe au Collège Ahuntsic qui pète un score de 98 % dans le cours de calcul différentiel et intégral de Rémi «
Terminator » Côté, de la jeune actrice québécoise qui n’a pas fait le conservatoire mais qui connaît une carrière internationale... Ce genre de talent là, celui avec lequel on naît et qui selon moi ne demande aucun effort.

Ma sempiternelle discussion avec mon père au sujet du Talent naturel le faisait toujours réagir. « Ça, Catherine », me disait-il en me montrant le bout de son majeur droit usé par le crayon de plomb, « c’est la bosse des maths ». « Pense-tu vraiment que la bolle dans ton cours de Maths 103 est née en sachant ce qu’est une limite ? Bien sûr que non ! Il a fait tous les exercices des trois premiers chapitres avant de se pointer au cours, c’est pour ça qu’il connaît toutes les réponses ! ». Hum, le problème avec cette théorie, c’est que moi aussi je travaille fort mais les résultats me semblent toujours moyens. En fait, toute ma vie, j’ai eu l’impression de travailler quatre fois plus fort que tout le monde sans toutefois parvenir à atteindre les ligues majeures, le firmament où brille l’étoile de ceux et celles bourrés du vrai Talent... Celui des enfants prodiges mais aussi de ceux qui sont acceptés en médecine à McGill, qui réussissent leur cours d’ingénieur à Poly, leur Barreau, créent leur entreprise, réalisent des documentaires, gagnent des Oscars... etc... etc.

Un de mes anciens patrons m’a dit un jour « tu as du talent, il faudra que tu trouves une façon de l’exploiter ». Ha oui, pour vrai !? J’écris bien mais je n’ai pas la formation d’une rédactrice-traductrice. Je suis créative mais pas assez pour pondre la pub qui gagnera le prochain Lion d’Or à Cannes. Je suis structurée mais pas assez pour organiser un événement d’envergure. Alors, s’il vous plaît, de quel talent s’agit-il !? Combien de fois ai-je demandé à mon amoureux « selon toi, quel est mon principal talent ? » « Heu... ben je sais pas, tu as plein de qualités chérie ». De maudites belles qualités oui mais pas de talent !

Il est peut-être là le problème. Complètement obsédée par la recherche de ce fameux Talent naturel que je ne possède pas, je suis incapable de faire l’inventaire de mes forces et même de mes faiblesses, qui font pourtant de moi une personne authentique. Je me suis mise dans la tête que pour réussir dans la vie, je devais posséder un Talent grandiose qui me procurerait la reconnaissance et l’adulation de mes paires. Ho boy, tout un mandat !  Pas étonnant que je vive avec un sentiment d’insatisfaction constant et que je trouve mon cheminement professionnel ordinaire !

Si j’essayais d’arrêter de me comparer aux gymnastes russes génétiquement modifiées et de me concentrer sur mes qualités, ça serait un début non ? Parce que plein de petites qualités mises ensemble, ça finit sûrement par donner un Talent avec un grand T ! Et surtout, si j’apprenais à être contente de ce que j’ai plutôt que d’envier tout le monde autour de moi, je pourrais être douée pour le bonheur, ce qui est certainement le plus grand des talents...



mardi 8 novembre 2011

L’insécurité intrinsèque

« Je mesure 1 m 70, j’ai les cheveux bruns, les yeux verts et je suis insécure ». C’est de cette façon que j’ai amorcé ma première rencontre avec ma Psy, il y a bientôt un an. C’est raide mais au moins, j’aurai eu le mérite d’être franche ! « Tu comprends pas, j’suis faite de même ! », est probablement la phrase que je me suis entendue prononcer le plus souvent dans ma vie. Non mais c’est vrai, j’étais en 4e année dans la classe de madame Huguette et déjà, je manquais de confiance en moi ! Paul va au magasin général et achète un chapeau à 3 $ un bocal de vers de terre à 2 $ et trois cannes à pêche à 5 $. Combien d’argent Paul a-t-il dépensé au total ? 10 $ ! Ben non Catherine... Hein ? Ben oui : 3 + 2 + 5 = 10. Non... sensation de boule dans le ventre, envie de pleurer. Hon, ya trois cannes à pêche nounoune ! J’écris ces lignes et je ressens encore cette anxiété qui m’envahissait déjà à l’âge de 10 ans. Ça n’allait jamais bien dans le cours de maths de madame Huguette, à la leçon de piano, en patins à roulettes, parce que j’étais convaincue que j’étais poche. Et après des années de ce régime, je suis aux prises avec un problème de confiance en soi généralisé, qui fait grimper mon anxiété et donne lieu à toutes sortes de comportements malsains et surtout, impulsifs.

Pourquoi je réagissais comme ça au juste ? Attentes élevées, désir de plaire, perfectionnisme mal placé, incapacité à me laisser imprégner d’une explication ou d’une consigne, difficulté à réfléchir avant d’agir, à accepter la critique... Who knows. Même s’il est important d’identifier la source d’un problème pour le régler, je n’aime pas trop fouiller dans le passé. C’est maintenant que ça se passe, c’est maintenant que ça se règle.

Je disais donc que j’étais faite comme ça. À 37 ans, je me connais par coeur et même si on s’acharne à me faire comprendre que mon insécurité est en fait une croyance, je résiste. Je n’arrive tout simplement pas à concevoir comment on parvient à modifier un trait de personnalité aussi fort et aussi ancré. En fait, la grande réalisation c’est qu’on ne le change pas. On apprend à composer avec, un peu comme un toxicomane avec sa dépendance. Pas juste ! La fille qui veut perdre 30 livres peut le faire en allant au gym quatre fois par semaine, celle qui n’aime pas son nez passe sous le bistouri mais la fille insécure elle fait quoi ? Elle détricote. Oui, elle détricote les mailles qui ont été mal tricotées et elle les retricote... Dans un prochain billet, je vous parlerai de mon nouveau projet : le détricotage-retricotage. C’est dur et c’est long.

lundi 31 octobre 2011

À propos de l'Imposteure





Catherine Masson : doyenne de l'imposture. Insécure finie affligée d’une anxiété chronique, je passe des heures devant la glace à pratiquer mon sport préféré : la correction négative. Conseillère (vraiment ?) en communications jusqu'à ce que la maternité me tombe dessus (deux fois plutôt qu'une), je me suis finalement écroulée sous le poids d'incommensurables standards de perfection, établis par nulle autre que moi ! En pause professionnelle depuis le printemps 2011, j’ai décidé de me lancer dans l'inimaginable, l'inatteignable pour une personne comme moi : la rédaction d'un blogue. Tantôt allongée sur le divan de ma Psy tantôt à travers des billets humoristiques, je tenterai de m'expliquer cette seconde nature, à la fois toxine paralysante et pièce maîtresse de mon identité.







Symptômes et diagnostic

Fantasme masochiste, expression d’une forme de doute maladif, négation de la propriété de tout accomplissement personnel (...), sont autant de manifestations de ce mal pernicieux qu’est le syndrome de l’imposteur. Je lisais récemment qu’entre 60 à 70 % des personnes douteraient, à un moment ou à un autre de leur vie, de la réalité ou de la légitimité de leurs succès.

En ce qui me concerne, il me semble avoir composé avec cette condition particulière depuis la tendre enfance. En dépit des commentaires positifs et des accolades de mes professeurs, patrons et collègues, j’ai toujours été convaincue que mes succès académiques et professionnels étaient le résultat de la chance mais jamais au grand jamais d’un talent ou d’une qualité. Et lorsque dans un moment de lucidité passagère j’arrivais à me convaincre que « j’avais été bonne », je devenais immédiatement en proie à une attaque anxiogène monstre. « Merde, ils vont se rendre compte que ce n’était que de la frime ! ». « J’ai créé des attentes et je ne serai jamais capable de reproduire ça à nouveau ! ». De la belle grosse fuite à l’état pur, une maladie chronique m’ayant certainement empêché de développer pleinement mon potentiel. Le fait d’avoir réussi à fonctionner sur le marché du travail pendant plus de dix ans relève donc du miracle !

Mais la vie de fugitive, à la longue, ça épuise et puis la combinaison du rôle de maman parfaite à celui de professionnelle plus-que-parfaite a fini par faire exploser la marmite. D’un état de paralysie occasionnelle, je suis passée en mode quadraplégique avant de me transformer définitivement en lavette.

Après en avoir discuté et rediscuté avec mes confidents (il faut savoir que les imposteurs adorent s’analyser, cela les confirme dans leur inaction), j’ai contre toutes attentes décidé de renverser la vapeur. J’ai bien sûr « choqué » des dizaines de fois avant même de contempler l’idée de m’adonner à l’écriture automatique ! Puis, lentement, péniblement, je me suis appliquée à débâtir une par une les excuses bidons du style « pas une autre maman blogueuse », « personne ne va me lire », 
« qu’est-ce que les autres vont penser », pour juste FAIRE. So I’m taking it away! En espérant que vous me lirez, que vous commenterez et que même si vous trouvez ça nul, je m’en foutrai... un peu !