mardi 22 novembre 2011

T'es brillante

For Shauna.*

Quel est le plus beau compliment que l’on puisse me faire ? Me dire que je ne fais pas mon âge évidemment mais surtout, me dire que je suis intelligente. Mieux encore, que je suis brillante. Qualificatif indissociable du piano et des mathématiques - des thèmes récurrents dans ce blogue - et qui symbolise la coche au dessus, le champagne et le caviar de l’intelligence.

« Et que c’est brillant c’te p’tite fille là », était la phrase fétiche de mon père pour décrire les jeunes pianistes et violonistes qui fréquentaient son école à vocation musicale. Les brillants et brillantes étant également ceux et celles qui n’avaient pas besoin de visualiser une tarte pour comprendre le concept des fractions ! Bref, pour être intelligente et surtout « briller », il fallait être bonne en maths et jouer du piano. C’est en tout cas le modèle que j’ai mis en place très tôt dans l’enfance et qui m’a suivi une bonne partie de ma vie... Sauf que je n’ai jamais été bonne en maths et très moyenne au piano, surtout quand venait le temps de calculer le nombre de doubles croches dans une ronde.

Le piano a été évacué assez rapidement, plus précisément à l’âge de douze ans, suite à une contre-performance lors d’un concert de Noël. Enrhumée, fatiguée et avouons-le, ayant expédié mes pratiques, j’ai eu un blanc au premier morceau, une exigeante sonate de Mozart qui avait provoqué cris et larmes en répétition. Après cinq longues minutes de néant total, je crachai finalement un morceau insignifiant de deuxième année de piano : le jongleur. La honte ! Un enfant de cinq ans aurait fait mieux que ça. Même si les petites mamies de la Place Rosemère ont bien essayé de me consoler, c'en était fait de ma carrière de pianiste. J’ai d’ailleurs toujours refusé de jouer en public depuis...

Avec les maths, c’est une autre histoire. Je n’aime pas et je n’aimerai jamais les chiffres. En fait, je les DÉTESTE, pire, je les crains. Ne me demandez pas de retenir un numéro de téléphone ou une combinaison de cadenas, je n’y arriverai pas. Je compte encore sur mes doigts, je suis incapable de séparer l’addition et je refuse d’apprendre à utiliser Excel convenablement. Pourtant, qui s’est tapé tous les cours de calcul différentiel et d’algèbre linéaire au Cégep ? C’est Bibi ! Et même à l’université, étudiante en sciences humaines et sociales, je me suis mise en tête de refaire des intégrales et des vecteurs, question de bien comprendre les modèles économiques de Keynes et Friedman ! Mais pourquoi donc ? Pour prouver que je n’étais pas simplement intelligente mais brillante.

C’est d’ailleurs dans un cours d’algèbre à l’université York que j’ai fais la connaissance de Shauna Saunders, une petite rouquine à lunettes originaire de la Saskatchewan déjà occupée à refaire le monde. Je n’avais aucune chance dans ce cours destiné aux futurs économistes de la Banque du Canada, mon résultat catastrophique à l’examen de mi-session me l’ayant rappelé de façon brutale. Durant la pause, Shauna m’avait offert une boite de Smarties question de me remonter le moral. I’m giving you Smarties because I still think you’re smart." À chaque fois que j'en mange, je pense à Shauna et à ce moment charnière de mon existence où j’ai commencé à me dire qu’il existait peut-être d’autres formes d’intelligence. Que pour être appréciée et réussir dans la vie, il valait mieux être dotée d’une intelligence émotionnelle que d’être un génie mésadapté socio-affectif ! Et surtout, qu'il était possible de « briller » avec du charisme et de la personnalité sans nécessairement avoir obtenu un MBA !

Malheureusement, mon obsession de la musique et des mathématiques revient me hanter périodiquement, particulièrement lorsque je vis une « crise d’imposteure ». Des moments où j’ai l’impression d’être la seule à ne pas « catcher », d’être complètement à côté de la plaque, que mes réalisations sont en fait l’oeuvre du Saint Esprit... Et c’est une bataille de tous les instants d’arriver à me convaincre que je suis le moindrement intelligente. Cent fois plus dur que d’apprendre une sonate ou que de résoudre une équation différentielle.




* When I was still trying to figure out what to do with my life, Shauna Saunders already knew she wanted to do a Ph.D in Economics. Growing up in the Prairies, she had witnessed child and women poverty among Aborigial communities, and was determined to find solutions to reduce the gab between rich and poor. After her undergraduate studies at York, she went on to pursue a Masters’ Degree at U of T and a Ph.D. at Duke University. Shauna is one of the most gifted individials I have ever met in my entire life but unfortunately, she was also seriously ill with Crohn’s disease. She died of kidney failure shortly after she submitted her doctoral thesis. Shauna, you always told me the most beautiful thing about Saskatchewan was its endless blue sky. I hope this is where you are.

mardi 15 novembre 2011

Le Talent naturel

“ Do not worry about your difficulties in mathematics, I can assure you that mine are still greater.” - Albert Einstein

Quand vous pensez à l’absence de talent, l’image qui vous vient à l’esprit est peut-être celle d’un BS de troisième génération qui passe ses journées à boire de la bière assis sur son perron, d'une animatrice de Call TV ou simplement, du bonhomme allumette que vous arrivez à peine à dessiner. Quand je pense à une personne dépourvue de talent, vous l’aurez devinez, je pense à moi.

J’exagère... un peu. Je ne suis pas complètement débile quand même, je conduis une auto manuelle, j’ai accouché de deux enfants, je fonctionne en société ! Ce que je veux dire, c’est que je suis convaincue de n’avoir aucun talent particulier. Des qualités, oui, mais pas de vrai talent ou ce que j’appelle le Talent naturel avec avec un grand T. Le talent d’une puce de cinq ans qui exécute un menuet ses petits poignets parfaitement alignés au niveau du clavier, du vietnamien assis en avant de la classe au Collège Ahuntsic qui pète un score de 98 % dans le cours de calcul différentiel et intégral de Rémi «
Terminator » Côté, de la jeune actrice québécoise qui n’a pas fait le conservatoire mais qui connaît une carrière internationale... Ce genre de talent là, celui avec lequel on naît et qui selon moi ne demande aucun effort.

Ma sempiternelle discussion avec mon père au sujet du Talent naturel le faisait toujours réagir. « Ça, Catherine », me disait-il en me montrant le bout de son majeur droit usé par le crayon de plomb, « c’est la bosse des maths ». « Pense-tu vraiment que la bolle dans ton cours de Maths 103 est née en sachant ce qu’est une limite ? Bien sûr que non ! Il a fait tous les exercices des trois premiers chapitres avant de se pointer au cours, c’est pour ça qu’il connaît toutes les réponses ! ». Hum, le problème avec cette théorie, c’est que moi aussi je travaille fort mais les résultats me semblent toujours moyens. En fait, toute ma vie, j’ai eu l’impression de travailler quatre fois plus fort que tout le monde sans toutefois parvenir à atteindre les ligues majeures, le firmament où brille l’étoile de ceux et celles bourrés du vrai Talent... Celui des enfants prodiges mais aussi de ceux qui sont acceptés en médecine à McGill, qui réussissent leur cours d’ingénieur à Poly, leur Barreau, créent leur entreprise, réalisent des documentaires, gagnent des Oscars... etc... etc.

Un de mes anciens patrons m’a dit un jour « tu as du talent, il faudra que tu trouves une façon de l’exploiter ». Ha oui, pour vrai !? J’écris bien mais je n’ai pas la formation d’une rédactrice-traductrice. Je suis créative mais pas assez pour pondre la pub qui gagnera le prochain Lion d’Or à Cannes. Je suis structurée mais pas assez pour organiser un événement d’envergure. Alors, s’il vous plaît, de quel talent s’agit-il !? Combien de fois ai-je demandé à mon amoureux « selon toi, quel est mon principal talent ? » « Heu... ben je sais pas, tu as plein de qualités chérie ». De maudites belles qualités oui mais pas de talent !

Il est peut-être là le problème. Complètement obsédée par la recherche de ce fameux Talent naturel que je ne possède pas, je suis incapable de faire l’inventaire de mes forces et même de mes faiblesses, qui font pourtant de moi une personne authentique. Je me suis mise dans la tête que pour réussir dans la vie, je devais posséder un Talent grandiose qui me procurerait la reconnaissance et l’adulation de mes paires. Ho boy, tout un mandat !  Pas étonnant que je vive avec un sentiment d’insatisfaction constant et que je trouve mon cheminement professionnel ordinaire !

Si j’essayais d’arrêter de me comparer aux gymnastes russes génétiquement modifiées et de me concentrer sur mes qualités, ça serait un début non ? Parce que plein de petites qualités mises ensemble, ça finit sûrement par donner un Talent avec un grand T ! Et surtout, si j’apprenais à être contente de ce que j’ai plutôt que d’envier tout le monde autour de moi, je pourrais être douée pour le bonheur, ce qui est certainement le plus grand des talents...



mardi 8 novembre 2011

L’insécurité intrinsèque

« Je mesure 1 m 70, j’ai les cheveux bruns, les yeux verts et je suis insécure ». C’est de cette façon que j’ai amorcé ma première rencontre avec ma Psy, il y a bientôt un an. C’est raide mais au moins, j’aurai eu le mérite d’être franche ! « Tu comprends pas, j’suis faite de même ! », est probablement la phrase que je me suis entendue prononcer le plus souvent dans ma vie. Non mais c’est vrai, j’étais en 4e année dans la classe de madame Huguette et déjà, je manquais de confiance en moi ! Paul va au magasin général et achète un chapeau à 3 $ un bocal de vers de terre à 2 $ et trois cannes à pêche à 5 $. Combien d’argent Paul a-t-il dépensé au total ? 10 $ ! Ben non Catherine... Hein ? Ben oui : 3 + 2 + 5 = 10. Non... sensation de boule dans le ventre, envie de pleurer. Hon, ya trois cannes à pêche nounoune ! J’écris ces lignes et je ressens encore cette anxiété qui m’envahissait déjà à l’âge de 10 ans. Ça n’allait jamais bien dans le cours de maths de madame Huguette, à la leçon de piano, en patins à roulettes, parce que j’étais convaincue que j’étais poche. Et après des années de ce régime, je suis aux prises avec un problème de confiance en soi généralisé, qui fait grimper mon anxiété et donne lieu à toutes sortes de comportements malsains et surtout, impulsifs.

Pourquoi je réagissais comme ça au juste ? Attentes élevées, désir de plaire, perfectionnisme mal placé, incapacité à me laisser imprégner d’une explication ou d’une consigne, difficulté à réfléchir avant d’agir, à accepter la critique... Who knows. Même s’il est important d’identifier la source d’un problème pour le régler, je n’aime pas trop fouiller dans le passé. C’est maintenant que ça se passe, c’est maintenant que ça se règle.

Je disais donc que j’étais faite comme ça. À 37 ans, je me connais par coeur et même si on s’acharne à me faire comprendre que mon insécurité est en fait une croyance, je résiste. Je n’arrive tout simplement pas à concevoir comment on parvient à modifier un trait de personnalité aussi fort et aussi ancré. En fait, la grande réalisation c’est qu’on ne le change pas. On apprend à composer avec, un peu comme un toxicomane avec sa dépendance. Pas juste ! La fille qui veut perdre 30 livres peut le faire en allant au gym quatre fois par semaine, celle qui n’aime pas son nez passe sous le bistouri mais la fille insécure elle fait quoi ? Elle détricote. Oui, elle détricote les mailles qui ont été mal tricotées et elle les retricote... Dans un prochain billet, je vous parlerai de mon nouveau projet : le détricotage-retricotage. C’est dur et c’est long.