mercredi 23 mai 2012

Le carré noir

Les propos exprimés dans ce « billet spécial » appartiennent à un tout autre registre que le contenu habituellement publié sur ce blogue. Mais j’ai décidé de prendre avantage de cette plate-forme pour expliquer ma position sur le conflit étudiant, ou plutôt sur la crise sociale qui secoue actuellement le Québec, avant d’en venir aux coups avec ceux et celles avec qui j’ai débattu sur le sujet au cours des quatre derniers mois !

En mai 2011, au lendemain des dernières élections fédérales, j’ai publié une note sur Facebook intitulée Orpheline, dans laquelle j’exprimais ma profonde déception suite à la débandade des libéraux. Abandonnée par le Parti que j’avais soutenu depuis l’âge de dix-huit ans, j’ai voté pour une couleur, le orange, pour les punir d’avoir anéanti l’une des plus grandes traditions politiques de notre pays et d'avoir laissé tomber les canadiens et les canadiennes au profit d’une chicane d’égos entre députés. Je n’ai jamais cru en l’annulation d’un vote, alors j’ai exercé mon droit sans conviction. Stratégiquement ? Même pas. Par vengeance uniquement et j’en garde un souvenir amer.

Orpheline de parti donc mais orpheline aussi dans ce Canada bleu foncé, peuplé de créationnistes incultes et de cowboys sans scrupules aux mains souillées par le pétrole des sables bitumineux. Si vous avez comme moi étudié l’économie, vous savez qu’être conservateur, ça ne veut pas dire remplir les prisons de jeunes délinquants, forcer les journalistes de la télévision d’état à porter un serment d'allégeance ou allouer des sommes astronomiques à l’achat d’avions de chasse...

Je n’ai pas voulu arborer le carré rouge, parce que je ne suis pas socialiste. Je me considère comme une libérale centriste, un peu à gauche et même un peu à droite, quand il le faut et je ne crois pas qu’à l’heure actuelle, nous ayons les moyens d’être un État-Providence à 100 %. Est-ce que cela signifie qu’il faille sacrifier l’éducation ? Absolument pas ! Mais dès les débuts de ce conflit, je me suis sentie coincée dans un débat ultra-polarisé. Je ne suis pas en faveur de la gratuité scolaire, ce qui ne veut pas dire que je suis d’accord avec une augmentation drastique des frais de scolarité. C’est une hausse importante, qui selon moi doit être contestée puisqu’elle laisse présager ce qui pourrait arriver de pire si on cesse de jouer au chien de garde. Je n’ai pas senti non plus que je pouvais parler ouvertement de l’importance du développement économique sans me faire traiter de capitaliste, ni de faire référence à la philosophie, la grande oubliée de ce débat. Pour ou contre les étudiants, la gauche contre la droite, les artistes contre les entrepreneurs, les francos contre les anglos un coup parti ! Ce n’est ni noir ni blanc. La vie est un immense compromis, un océan de gris qu’il faut apprendre à naviguer.

C’était il y a quatorze semaines. Avant le sacrifice de Line Beauchamp, une jeune élue au parcours exceptionnel, utlisée comme bouc émissaire par un gouvernement qui n’a jamais pris les étudiants au sérieux et qui a plutôt vu ce conflit comme une formidable diversion à ses activités de corruption exposées au grand jour. C’était avant la découverte des chiffres du Plan Nord, avant l'entrée en vigueur de la loi 78 et la brutalité policière inutile.

Je me retrouve donc encore une fois orpheline dans ma belle province, médiocrement dirigée par des politiciens sans envergure, qui n’ont pas été à la hauteur des valeurs libérales. Orpheline dans un Québec qui se croyait plus progressiste que le reste du Canada, que le reste de l’amérique du Nord, qui osait se comparer aux pays nordiques mais qui ressemble aujourd’hui à un état totalitaire digne des romans d’Orwell et Huxley. On ne choisit pas entre une économie forte et l’accès à l’éducation de toute une génération. On développe ces deux secteurs en parallèle ! Et il est possible de le faire, ne serait-ce qu’en cessant de brader nos précieuses ressources naturelles ou d’investir nos maigres surplus dans la construction de ponts à péage en PPP ! Et surtout, surtout, quand on se définit comme un exemple de démocratie, un champion des droits et libertés, une terre d’accueil et un havre de paix, on ne peut tout simplement pas imposer à ses citoyens une loi bâillon.

Aujourd’hui, je porte le carré noir tel un un drapeau en berne, symbole de mon deuil face à la mort de mes certitudes et de mes allégeances politiques. Le noir, couleur de l’anarchie... Fait ironique, moi qui ai été éduquée à obéir aux autorités sans discuter et à respecter nos institutions, nos élus. Ces élus et ce Parti auxquels je me suis identifiée et que mon vote à contribué à maintenir au pouvoir... Et enfin, le carré noir de la honte. Oui, la honte de ne pas être descendue dans la rue et de ne pas avoir appuyé spontanément ce mouvement citoyen, au delà des technicalités. La honte et l’indignation face à ce que je suis devenue, comme l’a si bien écrit Stéphane Laporte.

vendredi 4 mai 2012

Le cauchemar du calcul différentiel et intégral

C’est toujours le même rêve. Je suis assise à mon poste de travail quand soudain, deux hommes en noir se dirigent vers moi. Mon estomac se noue. Ça y est, on me congédie ! C’est pire. Les agents viennent m’informer que selon « leurs dossiers », je n’ai pas réussi mon cours de math 103 au cégep, ce qui invalide mon DEC, mon Bac, mon DESS et par conséquent, toute ma carrière en communications.

Je proteste : « ok, c’est vrai, je l’ai coulé, puis abandonné mais le l’ai finalement réussi en cours d’été. Je le jure ! J’ai encore tous mes bulletins et une copie de mon diplôme d’études collégiales pour le prouver. ». Au fait, elle est où toute cette paperasse ? Dans le classeur, dans le sous-sol chez mes parents ? Meeeerde !

Mon coeur bat la chamade. « Mais on s’en fout de ce cours ! C’est de la vieille histoire tout ça. J’ai depuis complété des études universitaires en sciences sociales et en communications. Et ça fait plus de dix ans que je travaille en comms, pas comme ingénieure ! Je n’en ai même pas besoin... ». Rien à faire. Les hommes en noir restent de glace. Le message est clair : j’ai 24 heures pour réviser la matière, me rendre au collège Ahuntsic passer un examen synthèse et rectifier la situation. Sinon, je suis démasquée et le sol s’ouvre sous mes pieds. Fade to black...

Dans la scène suivante, je suis agenouillée dans mon bureau à la maison en train de fouiller frénétiquement dans mes bibliothèques, à la recherche du cartable rose à anneaux en plastique mou. « Pourquoi ça m'arrive toujours ce genre de trucs ? ». C’est de la folie. Je vais me faire crucifier. Je ne me souviens même plus comment résoudre une dérivée. Je continue mes recherches, vide des boîtes, renverse les tiroirs... Le voilà, je suis sauvée ! The clock is ticking... Pas grave, au pire j’apprendrai tout par coeur. C’est ce que j’ai toujours fait de toute façon ! Et là horreur, je découvre des feuilles mobiles jaunies parsemées de notes d’une pâleure extrême, complètement illisibles, la voix de mon père résonnant à mes oreilles : « ça ne vaut rien ces pousse-mines, va me chercher un HB ! ». Je suis faite. C’est la fin. Je me réveille en sursaut, paniquée. Les première fois, il m’est même arrivé d’aller contempler en pleine nuit mes diplômes encadrés, afin de me rassurer. Du pur délire ? Non, de la peur. Une peur irrationnelle dont j’ai abondamment parlé et qui m’habite depuis des années.


Quand même, ça faisait un moment que les inspecteurs n’étaient pas venus interrompre mon sommeil. Il faut dire que depuis un an, je me suis appliquée à batter une par une mes craintes et mes insécurités. D’abord, la peur de ce qu’allaient penser les autres si j’arrêtais de travailler, la peur d’écrire et de publier ce blogue, puis la peur de courir.

Ha ben voilà, la course. Même si je m’entraîne depuis la fin de l’été et que je cours maintenant 10k plusieurs fois par semaine, dans ma tête, je restais une amateure, une joggeuse du dimanche. Alors pour me prouver que j’étais une  « vraie », je me suis inscrite à une course... Quelle idée, moi qui déteste la compétition ! Ha, les excuses pathétiques que j’ai évoquées pour me dérober ! « J’ai une tendance agoraphobe », « je vais me faire bousculer », sans oublier l’ultime : « je vais sûrement finir bonne dernière ».

C’est donc avec une extrême nervosité que je suis débarquée au Parc Jean Drapeau dimanche dernier pour le 5k de la Banque Scotia. Complètement intimidée par tous ces athlèthes en collants noirs ceinturés de bouteilles d’eau, j’ai commencé à me demander ce que je faisais là. À la ligne de départ, j’avais les jambes molles et la patate qui me débattait. « Voyons bordel, c’est juste un p’tit 5k, ya des gamins de dix ans qui courent ça ! ». Et puis, comme tout le monde, je suis partie... En plus du soleil matinal, du ciel bleu et de l’incroyable énergie des autres coureurs, c’est à la liberté que j’ai goûté en ce matin frisquet d’avril. Je n’oublierai jamais ce moment.

J’ai hâte de voir si les hommes en noir vont avoir le guts de me payer une autre visite nocturne... Si c’est le cas, je sais maintenant que je peux changer le sénario et m’enfuir en courant. Bonne chance pour me rattraper les mecs.