jeudi 26 janvier 2012

Dérives délirantes de mon imagination

"It's not my fault that you lost your way, your insanity will prevail":
http://www.youtube.com/watch?v=K1wWLGWPYx4&feature=related

C’est la fin des classes et la fin du primaire. À la petite école Sainte-Béatrice, on organise une remise de prix pour souligner l’excellence des jeunes élèves en français, mathématiques, sports etc. La soirée tire à sa fin quand soudain, on me nomme... Je suis la première surprise, moi qui suis plutôt du genre bavarde et distraite en classe. Je monte sur la minuscule scène du gymnase pour y récupérer une plaquette en bois pré-fini ornée d’une insigne dorée (que j’ai toujours d'ailleurs), un prix soulignant... mon imagination ! Je viens tout juste d’avoir douze ans.

De l’imagination, j’en ai toujours eu en quantité industrielle. Enfant unique pendant huit ans, entourée d’adultes, je m’en servais pour attirer l’attention, inventer des mondes et sauver mes fesses lorsque je faisais des mauvais coups. C’est cette même imagination qui m’a permis de me démarquer sur le plan professionnel et surtout, de rêver afin d’échapper au cynisme du quotidien. Une imagination débordante, qui a toujours été pour moi une source de fierté, jusqu’à ce que l’imposteure s’en mêle. Parce qu’une imagination qui alimente la créativité c’est génial mais une imagination mélangée à un manque d’assurance et à un soupçon de paranoïa, c’est un très mauvais cocktail...

Vous vous souvenez certainement du gag vieux comme le monde : « Quand les joueurs de
football forment un cocus, que font-ils ? Ils parlent dans ton dos ». Et bien je l'ai toujours ri jaune, parce que la plupart du temps je suis convaincue que tout le monde parle contre moi. Les petites collégiennes qui rient entre elles dans l’autobus, mon chum qui ferme la porte du bureau pour parler au téléphone avec sa mère, les esthéticiennes de la manucure-pédicure qui discutent en vietnamien, le couple au resto qui me regarde de travers parce que je suis assise seule à ma table... oui, oui, ce genre de trucs complètement débiles. Et ça c’est quand je n’en rajoute pas moi-même : « Je sais, je fais dur ce matin mais les enfants sont malades, j’ai passé une mauvaise nuit, je suis brûlée, je n’ai pas eu le temps de m’arranger ! », laissant mes interlocuteurs pantois : « Heu, on n’avait pas remarqué... ».

Mais mes pires délires se sont certainement produits au boulot. Comme vous le savez parce que vous me lisez depuis maintenant quatre mois, j’ai un besoin maladif d'approbation et de reconnaissance. Même si on m’assure que je fais de l’excellent travail, je suis toujours convaincue d’être nulle. Alors si j’aperçois mon « client » en train de discuter à voix basse avec une collègue ou pire, avec mon patron, je panique. Et cela va bien au delà d’une simple pensée effleurant mon esprit, c’est toute une histoire qui se construit. Bientôt toute la compagnie va découvrir que je suis incompétente ! Jusqu’à ce que je réalise qu’il n’était évidemment pas question de moi et me dise qu’il est temps de faire ma petite valise pour l’Hôpital Douglas...


Quand j’ai finalement décidé d’aborder le sujet avec la Psy, j’étais presque gênée. « Je passe pour une belle égocentrique ! La fille se croit tellement importante qu'elle pense que le monde tourne autour d’elle, franchement ! »... C’est là qu’elle m’a parlé de narcissisme. À ne pas confondre avec les imbus d’eux-mêmes, ceux dont l'ego démesuré ne passe plus dans les portes mais plutôt le narcissisme comme fondement de la confiance en soi. Lorsqu’il est défaillant, le terme peut désigner l’importance excessive accordée à « l’image » de soi...

Bon... et bien en attendant d’entamer une autre phase du grand projet de rénovation de ma personnalité, je vais continuer à rédiger mon blogue. Non mais c’est vrai, depuis que je me suis lancée dans ce projet, j’ai le sentiment d’arriver à canaliser mon imagination de façon positive, à dédramatiser, à prendre du recul et même à rire de moi... Ha, Ha, Ha... hum.






samedi 21 janvier 2012

The Ruminator

Note: The content on this blog is mostly in French but there will be stories in English from time to time, especially if the anectodes took place in an “English context”.

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To John, who has more confidence in me than I have in myself.

I came up with the idea for this post a long time ago. Originally, it was supposed to be called Analysis-Paralysis but I recently stumbled upon an article about Over Thinking that made me change my mind.

Since analyzing events down to the bone has become the pain of my existence, this article attracted me for obvious reasons. A veteran of the Could have-Would have-Should-have game, I recognized myself in every sentence! Don’t you love it when that happens? I do! It makes me feel better, less alone, more normal. Even more so if I find out that a researcher at some Ivy League university has pinpointed my problem and given it a “scientific name”: Rumination. Yup, rumination, like that thing a cow does when it constantly rechews its food. A destructive mental habit that sucks up all your energy and ruins your confidence.

Every time I experience a distressful situation, I feel the need to replay the events over and over in my head, asking big questions: Why did this happen? What does it mean? But I rarely find answers or come up with solutions that would help me move forward. It feels like the only thing I’m interested in is to dwell on the past and beat myself up for not making the right decisions. And to make matters worst, I just can’t resist the urge to talk it out... with everyone.

I do it all the time, without even knowing that I’m doing it. It’s like breathing. I mean, I’m aware of it but when it happens, I struggle to keep it under control. And you just can’t press a button to make it go away. So how do you stop your mind from taking over?

The insane amount of time I spent over-analyzing is really what rang the alarm bell for me. I’m an anxious type, easily overwhelmed by life and I kept wondering why I lacked energy and never had time to do anything. Well, hello! Because when you start ruminating, it’s like a downward spiral. If you don’t fight it, forget it, you’re gone. Totally absorbed in your own thoughts, it can take days before you come up for air... So when you think about how every minute in life is precious because it’s never coming back, it makes you realize that this kind of wacky behaviour is simply unacceptable.

Another tactic I started using to police my thoughts, is to distance myself from people and situations. If a friend is not answering my email, it’s not because I said something at the last party that might have offended her... Maybe she is just busy. If my boss is not saying hello in the morning, it’s not because he thinks the document I submitted the day before is crap. Maybe he’s just tired! It’s not always about me and what I did or did not do!

But I have to admit that so far, the unflattering mental image of the “Ruminator” has had quite an effect on me. Seriously, how disturbing is it to think of yourself as a cow chewing its cud all day... It’s pretty powerful stuff. Works for me!



** This comic strip is by Leigh Rubes, a syndicated cartoonist I discovered over the Holidays. I don't have the rights to this image but I just couldn't resist posting it. If I get busted by the SOPA people, I will remove it immediately, I promise!

vendredi 13 janvier 2012

Le coffre à crayons

Janvier. Le mois des résolutions, des cures de désintox et des nouveaux départs. Je n’y échappe pas, sauf que pour moi janvier est un mois comme un autre puisque des résolutions, j’en prends à tous les mois, à tous les jours et à toutes les heures. Et comme je ne fais pas les choses à moitié, les miennes vont bien au delà de la perte de poids ou de l’écrasement définitif d’une cigarette. En fait, toutes mes résolutions convergent vers un seul idéal : la création d’une « nouvelle moi ». 

Une entreprise tout à fait réaliste que de se réveiller un matin et de se répéter en allant au boulot : « aujourd’hui, je vais me trouver belle, aborder les défis avec confiance et optimisme et me foutre de l’opinion d’autrui ». C’est tout à fait moi ça !

Le projet de création de la « nouvelle moi  » est en chantier depuis la nuit des temps. Les travaux se déroulent continuellement et au fil des ans, ont pris de multiples visages : le Nouvel An, une nouvelle session, un abonnement au gym, une nouvelle garde-robe, un nouvel amoureux, un régime miracle, un nouvel emploi... Pourtant, la version 3.0 de Catherine Masson tarde à voir le jour. Après des années d’efforts soutenus, il me semble qu’on pourrait commencer à voir la lumière au bout du tunnel non ? Je me sens comme le CHUM de la croissance personnelle ! Et si j’avais mal travaillé ? Travaillé fort, certes mais tout croche ? Hum.

Janvier 2011. Je soupe avec une de mes amies, que je considère en fait être ma jumelle cosmique et dont l'indéfectible soutien à été central à la publication de ce blogue. Désillusionnée, au dessus d’un bol de Mac’n’Cheese fumant du Griffintown Cafe, je lui parle du nouveau boulot que j’occupe depuis à peine trois mois. Déçue par ce nouveau départ qui devait régler tous mes problèmes, changer ma vie et enfin faire émerger la « nouvelle moi »...

« Je suis tellement tannée de recommencer... » ;
« Je comprends le feeling... » ;
Silence.
« C’est comme un coffre à crayons. » ;
« Hein ? ».
« Ben oui, sté, quand on était au primaire, à chaque rentrée scolaire on faisait le ménage de notre coffre. On taillait nos crayons, on en achetait des nouveaux, des plus cool, qui sentaient la fraise et écrivaient rose bonbon. Le nouveau coffre allait forcément nous rendre plus brillantes et nous garantir de meilleures notes ! » ;
« Ouiiii ! ».

Je ne le savais pas encore mais en déconnant avec l’histoire du coffre à crayons, je venais de mettre le doigt sur le bobo. L’amélioration versus le changement radical ou la construction sur des bases déjà existantes plutôt que la tabula rasa à répétition, aura été l’une des grandes découvertes de ma vie adulte. Ça peut vous paraître cul cul mais d’arriver à prendre conscience qu’en dépit de mes efforts et de ma bonne volonté je ne construisais absolument rien, c’est méga.

Donc, exit le projet de la « nouvelle moi », fini le Phénix qui renaît de ses cendres après chaque mauvaise passe. J’ai plutôt décidé d’utiliser tous les morceaux de ma belle complexité à mon avantage. De mettre en valeur la vraie Catherine, avec ce qu’il y a de plus chouette et de moins reluisant et de commencer à avancer... Finally!

Ouain. L’idée est belle j’avoue mais la tentation des nouveaux départs est tellement forte ! Par exemple, hier, plantée devant le stand à revues, je regardais toutes les actrices et mannequins en page couverture et j’avais envie d’être comme elles ! J’ai même dû résister à l’envie de me teindre en blonde, question de marquer le coup de mes nouvelles réalisations !

Mais c’est comme le jogging et les endorphines. La sensation d’avancer au lieu de tourner en rond comme un hamster est rendue trop grisante pour lâcher.




vendredi 6 janvier 2012

Les attentes

"Habit is habit, and not to be flung out of the window by any man, but coaxed downstairs a step at the time."
- Mark Twain, Pudd’nhead Wilson

Le matin de Noël 2011, j’étais en grande forme. Levée tôt, énervée et énervante, attendant avec fébrilité le Grand moment où mes enfants, pour la première fois en trois ans, allaient déballer leurs cadeaux et exploser de joie en découvrant les jouets tant désirés... échec cuisant. Moi qui pensais avoir exorcisé tous mes vieux démons dans mon précédent billet Le Noël de l’imposteure, je me suis fait prendre comme une novice, succombant à l’une de mes plus tenaces habitudes : les attentes.

Je suis la championne du monde des scénarios. À l’approche d’un événement important, mon imagination débridée se met en marche et concocte un conte épique dont je suis l'héroïne : grandiose et surtout, parfait. Évidemment, rien n’est parfait et les choses se déroulent rarement comme prévues. C’est justement ce qui fait la beauté de la vie me direz-vous mais moi ça m'embête, ça me déstabilise... non en fait, ça me fait carrément perdre les pédales. Je deviens insupportable. Ignorant complètement mon entourage, je me réfugie dans les profondeurs abyssales de mon cerveau afin d’identifier la cause exacte de « l’échec », le glitch dans la matrice. Ensuite, je pète des coches : « Pourquoi ça ne marche pas !? », « C’est de la grosse merde ! », « Je ne peux pas croire que ça arrive ! ». Des épisodes navrants, systématiquement accompagnés d’un sentiment de déprime intense. Le plus absurde dans tout ça c’est que rien ne cloche... sauf dans ma tête. Je le sais mais c’est plus fort que moi. Impuissante, je n’arrive pas à décrocher, je m’enfonce.

Habituellement, c’est mon chum qui se charge de me rappeler à l’ordre mais avec les années, je comprends qu’il soit devenu un peu las... À Noël, devant mes rejetons confus, je n’ai eu d’autre choix que de me prendre en main. Après un long monologue stérile au cours duquel j’ai répété en boucle des propos du genre : « Tout ce qui les intéresse c’est de déchirer du papier !? », « On dirait qu’ils se foutent de leurs cadeaux ! », « Je le savais, nous les avons trop gâtés... », « Avoir su, je n’aurais pas couru aux quatre coins de la ville ! », j’ai soudain pris conscience de ce qui m’entourait. Une maisonnée remplie d’amour et de petits rires joyeux, la santé, l’abondance et je me suis crié, de ma voix intérieure la plus forte : « Réveille la grande, c’est quoi le problème !? ». You have everything!

Je finis toujours par me ressaisir, par accepter la situation, par avoir du plaisir mais je dois me taper ce passage obligé, me torturer, pourquoi ? Moi qui déteste tellement me sentir comme ça !

La gestion des « attentes » sera un de mes principaux défis au cours de la prochaine année. Vous dire que j’ai identifié la source de cette malheureuse propension serait un mensonge. Et je ne suis pas certaine non plus de savoir comment m’y prendre pour dompter la bête. Une chose est sûre, en laissant « les attentes » m’envahir de la sorte, je commets un crime impardonnable : je ne profite absolument pas du moment présent.

C’est cette énorme réalisation qui m’a frappée de plein fouet le matin de Noël 2011. Et j’ai eu honte. Que je laisse mon masochisme émotionnel bousiller ma vie passe encore, mais pas celle de mes proches. C'est un bon point de départ. Je vais certainement me projeter dans une fable olympique, victorieuse, recevant la palme de celle qui maîtrise parfaitement son envie de tout contrôler... Tant mieux si cela m’aide à me motiver mais dans la réalité, chaque petite victoire s’imbriquera dans mon quotidien, dans mon moment présent, que je me ferai un devoir de savourer même s’il goûte moins bon que ce que j’avais imaginé.