mardi 24 avril 2012

Les voisins

C’est ce moment de l’année. Je stationne ma voiture chez Loblaws et j’aperçois la pépinière saisonnière : les sacs de terre empilés, les annuelles cordées, les BBQ et les meubles de patio et tout d’un coup, je me sens immensément déprimée. Ha merde, pas encore...

Pour n’importe quel Montréalais sain d’esprit, l’ouverture des centres de jardin, les fleurs suspendues devant les dépanneurs de quartier et le grand ménage du printemps sont synonymes de temps chaud, de bière et de sangria. Pas pour moi, la folle, qui angoisse déjà à l’idée des corvées qui m’attendent : le désherbage, l’étalement du fumier de mouton composté et de l’engrais azoté granulé, le taillage de ma haie de cèdres (oublie pas, pas avant le mois de mai, pas après juillet), la peinture de ma clôture qui n’en finit plus de finir, l’arrosage « timé » des différentes sections de ma pelouse, les dizaines d’appels à des contracteurs pas fiables, les heures passées sur Internet à comparer les modules de jeux extérieurs, les piscines gonflables et les carrés de sable...

J’étais bien moi cet hiver, cloîtrée dans ma maison avec les volets fermés. Tout le monde hibernait et je n’étais au courant des projets de personne. Mais avec la belle température, ils sont tous dehors à gratter et à remplir leurs sacs de montagnes de feuilles mortes et de mauvaises herbes, à mesurer et à tirer des plans, question de me mettre de la pression et de me rappeler que je n’ai encore rien commencé et que je suis mal organisée. Et si j’ai le malheur de repérer quelqu’un dans le quartier en train de power-washer son entrée de garage ou de discuter avec un gars bedonnant en T-shirt gris et en bottes de construction, je sens que je devrais moi aussi être en train de faire quelque chose ! Je suis incapable de relaxer dans ma cours sans passer en revue tout ce qui cloche sur mon terrain et faire l'inventaire des travaux effectués par mes voisins et que nous devrions nous aussi, nécessairement entreprendre.

Quelle idée saugrenue d’avoir acheté une maison ! Moi qui ai toujours rêvé de vivre à New York ou d’un loft avec terrasse dans le vieux Montréal... Pas de passer mes weekends à obsséder sur un gazon qui ne pousse pas, décaper des soffites décrépis et contempler du mortier qui s’effrite ! Mais j’étais tannée de me faire marcher sur la tête. Je le voulais mon petit oasis urbain pour siroter mon thé glacé assise sous le tilleul et jouer au ballon pieds nus dans l’herbe avec mes enfants...

En fait, ce billet aurait pu s’intituler Incapacité chronique à assumer ses choix. Je n’aime pas et je n’aimerai jamais jardiner, entretenir, rénover etc. Cela a été statué à maintes reprises. Alors pourquoi ne pas l’accepter plutôt que de continuer à m’imposer tout ça ? Pourquoi ne pas profiter de ma propriété tout simplement, en me disant que j’ai toute la vie devant moi pour l’embellir ? Mon chum lui, ne ressent aucune culpabilité. Il est parfaitement heureux de boire sa Heineken évaché dans une chaise de jardin sale, au beau milieu d’un champ de pisenlis. Pourquoi ne pas adopter moi aussi cette attitude zen ? Seigneur, plutôt mourir !

Tout ça me déçoit beaucoup. J’aurais espéré qu’avec le marathon de travaux que je me suis tapé l’été dernier (et l'écoeurantite aiguë qui en a résultée), j’aurais appris quelque chose. Apparemment pas. Je me vois aller encore cette année, je fatigue, je surveille mes voisins, je fais des listes... Peut-être que j’ai besoin d’un électrochoc, de poser un geste drastique, question de mettre fin une fois pour toutes à ce délire ? En fait, j’avais pensé m’asseoir au milieu de mon jardin en friche comme un bouda, me rouler un petit morceau de tourbe, le remplir de fumier de crevette Premier Bio Max et le fumer. Je suis certaine que mes voisins, que j'adore et qui ignorent tout de ma psychose estivale, trouveraient ça fantastique et s’en rouleraient un eux aussi !





vendredi 13 avril 2012

La médaillée olympique

J’adore les Jeux olympiques. Je compte déjà les jours qui me séparent de ceux de Londres, qui auront lieu à la fin juillet et que j’ai l’intention de suivre religieusement pendant deux semaines. Je me souviens comme si c’était hier des premiers jeux que j’ai regardé à la télé, ceux de Sarajevo à l’hiver 1984. De Gaétan Boucher et des danseurs sur glace Torvill et Dean et de leur interprétation inégalée du Boléro de Ravel. Puis des jeux d’été de Los Angeles, avec Alex Baumann, Sylvie Bernier et mon moment préféré de tous les temps, que je me suis amusé à reproduire cent fois dans ma cours avec mes petites voisines : le 10 de la gymnaste américaire Mary Lou Retton au saut de cheval, lui permettant de ravir l’or in extremis à la roumaine Ekaterina Szabo. Depuis, je n’ai jamais manqué les Jeux et à chaque fois, je pleure comme une madeleine, le dernier épisode de larmes dans mon salon ayant été déclenché par la médaille de bronze de Joannie Rochette !

Les records du monde, les revirements spectaculaires, le dépassement de soi et l’émotion brute me fascinent. Et vous l’aurez deviné, le talent, l’atteinte de la perfection, le respect et l’admiration, sont des thèmes qui résonnent particulièrement chez moi. En fait, c’est comme ça que je vis ma vie. Chaque situation, chaque projet, est abordé comme s’il s’agissait d’une compétition d’envergure internationale. Mes réalisations, toutes plus spectaculaires les unes que les autres, révèlent mon talent au grand jour. Je me retrouve propulsée sous les feux de la rampe, louangée, admirée par mes pairs et dans mes moments de délire extrême, par le monde entier, pourquoi pas ! Disons que l’histoire est plus belle dans ma fantaisie...

Parce que pendant que je rêvasse à mon triomphe, mon rapport à la réalité est plutôt inexistent. Et l’euphorie du départ fait vite place à l’angoisse et à l’anxiété de performance liées à l’atteinte de ces résultats olympiens. L’objectif ultime d’épater l’univers au grand complet pèse tout à coup très lourd sur mes épaules...

Prenez la course à pied par exemple. Au départ, c’est vrai, j’avais décidé de le faire pour moi et personne d’autre. Mais rapidement, j’ai commencé à me projeter. J’étais à peine capable de compléter 5 km sans baver comme un escargot asthmatique que déjà, je m'imaginais victorieuse au marathon de New York ! Le problème, c’est que quand je laisse ces images de médailles et de podiums envahir mes pensées, j’oublie ce que je suis en train de faire, comment je suis sensée le faire et surtout, pourquoi et pour qui je le fais. La projection prend le dessus, gâche complètement l’expérience du moment présent et souvent, donne un résultat très moyen.

HOW HAS GOD BLESSED YOU TODAY? est la subtile question existentielle affichée sur l’enseigne de l’église anglicane de Montréal Ouest, qui se trouve sur l’un de mes parcours. J’ai toujours détesté ce genre de preachage publicitaire mais n’empêche que ce petit évangile à 5 cents a eu vite fait de me rappeler à l’ordre. Maintenant, quand je l’aperçois, je me dis « Deux jambes pour courir et la santé. Respire la grande, le ciel est bleu, la vie est belle. ». Et je me promets qu’à qu’à partir de maintenant, je ferai les choses rien que pour moi. Au diable les olympiques !

Jusqu’à ce que je m’installe devant mon ordinateur pour écrire ce blogue. Un autre projet personnel qui ne devait jamais être exposé à mes excès imaginaires de gloire et de perfection... Mais c’est plus fort que moi. Coiffée de ma couronne de lauriers, je vole vers de nouveaux sommets ! Chaque billet doit être une perle littéraire, puisque ce futur recueil d'histoires risque certainement de devenir un Coup de coeur de Renaud-Bray... Je suis incorrigible.






jeudi 5 avril 2012

Just Park It!

Si je vous dit « just park it », vous pensez à quoi ? À moi en train de négocier un parallèle dans une rue étroite du Plateau ? Et bien vous saurez que je suis capable de stationner une sportive berline 4 portes avec boîte manuelle et traction arrière n’importe où en ville, dans un banc de neige s’il le faut, avec deux enfants qui crient à tue-tête ! Cela n’a absolument rien à voir avec le thème de ce billet mais j’ai toujours rêvé d’écrire ça quelque part un jour. Je le dédie à mes amies du secondaire, qui ont toutes obtenu leur permis avant moi mais qui aujourd’hui conduisent des minivans automatiques et magasinent dans des méga-centres de banlieue. Voilà, c’est fait, je vous aime pareil !

Alors, « just park it », ça vient d’où et ça veut dire quoi ? De mon chum bien sûr, passionné de sport automobile, qui en désespoir de cause a eu recours à une image mentale simple et efficace ( de gars !), pour me faire décrocher de mon trouble compulsif d’over-analyse de situations sans issue. Bon, on s’entend, les situations en question ne sont pas sans issue (vous connaissez mon penchant pour le drame), seulement compliquées ou stressantes.

J’ai fait ma job. Tout est planifié et en ordre. Comment se fait-il que les autres soient incapables d’en faire autant ? J’ai fait des dizaines d’appels, sorti le gros cash pour faire venir un essoucheur d’urgence chez nous la veille d’un congé férié, pour me faire dire par le contracteur que finalement, les travaux de paysagement qui devaient débuter à la première heure le lendemain n’auront pas lieu avant une semaine. Argh !

Moi : « Tu sais pas ce que le gars vient de me dire ! ».

Le chum : « Ouain, j’avoue, c’est plate. ».
Moi : « Plate... c’est tout ? ».
Le chum : « Ben ya rien qu’on peut faire pour le moment. ».
Moi : « Comment ça rien ? Moi j’avais prévu me ronger les sangs, bitcher non-stop et être insupportable pendant trois jours ! ».
Le chum : « Why don’t you just park it? ».
Moi : « Whoa, what? ».
Le chum : « Yeah, stop thinking about it. Forget it for a while and when it’s time to deal with it, deal with it. ».

Ayoye, « parker » un problème, du jamais vu ! Imaginez le nombre de fois où je n'ai eu aucun contrôle sur les évènements... Si au lieu de m'acharner comme un chien sur un os et de broyer du noir pendant des heures, j'avais sagement mis la situation de côté et je m’étais concentrée sur quelque chose de plus productif, pour y revenir plus tard, ressourcée, avec les idées claires... Je serais peut-être encore en vie professionnellement !


Alors voilà, depuis la dernière année, je « parke » mes petits problèmes ici et là... Honnêtement, au début, je ne les stationnais pas souvent ni très longtemps, en proie à une irrépressible envie de ressasser constamment le pourquoi-du-comment. Heureusement, le désir profond de conserver mon énergie pour les choses importantes, m’a incité à persévérer et à poursuivre l'exercice.

Ça marche quand même ces petites tactiques. C'est Janette Bertrand qui l’a dit cette semaine aux Lionnes ! Je sais, je sais, j’avais dit que je lâcherais ça Les lionnes (en reprise en plus !) mais c’est fini là, elles quittent définitivement les ondes de Radio-Canada aujourd’hui... N’empêche, c’est souvent le soir, en pliant mon lavage et en les écoutant distraitement commenter l’actualité de façon confuse, que j’ai trouvé des solutions à plusieurs problèmes que j’avais parkés !