For Shauna.*
Quel est le plus beau compliment que l’on puisse me faire ? Me dire que je ne fais pas mon âge évidemment mais surtout, me dire que je suis intelligente. Mieux encore, que je suis brillante. Qualificatif indissociable du piano et des mathématiques - des thèmes récurrents dans ce blogue - et qui symbolise la coche au dessus, le champagne et le caviar de l’intelligence.
« Et que c’est brillant c’te p’tite fille là », était la phrase fétiche de mon père pour décrire les jeunes pianistes et violonistes qui fréquentaient son école à vocation musicale. Les brillants et brillantes étant également ceux et celles qui n’avaient pas besoin de visualiser une tarte pour comprendre le concept des fractions ! Bref, pour être intelligente et surtout « briller », il fallait être bonne en maths et jouer du piano. C’est en tout cas le modèle que j’ai mis en place très tôt dans l’enfance et qui m’a suivi une bonne partie de ma vie... Sauf que je n’ai jamais été bonne en maths et très moyenne au piano, surtout quand venait le temps de calculer le nombre de doubles croches dans une ronde.
Le piano a été évacué assez rapidement, plus précisément à l’âge de douze ans, suite à une contre-performance lors d’un concert de Noël. Enrhumée, fatiguée et avouons-le, ayant expédié mes pratiques, j’ai eu un blanc au premier morceau, une exigeante sonate de Mozart qui avait provoqué cris et larmes en répétition. Après cinq longues minutes de néant total, je crachai finalement un morceau insignifiant de deuxième année de piano : le jongleur. La honte ! Un enfant de cinq ans aurait fait mieux que ça. Même si les petites mamies de la Place Rosemère ont bien essayé de me consoler, c'en était fait de ma carrière de pianiste. J’ai d’ailleurs toujours refusé de jouer en public depuis...
Avec les maths, c’est une autre histoire. Je n’aime pas et je n’aimerai jamais les chiffres. En fait, je les DÉTESTE, pire, je les crains. Ne me demandez pas de retenir un numéro de téléphone ou une combinaison de cadenas, je n’y arriverai pas. Je compte encore sur mes doigts, je suis incapable de séparer l’addition et je refuse d’apprendre à utiliser Excel convenablement. Pourtant, qui s’est tapé tous les cours de calcul différentiel et d’algèbre linéaire au Cégep ? C’est Bibi ! Et même à l’université, étudiante en sciences humaines et sociales, je me suis mise en tête de refaire des intégrales et des vecteurs, question de bien comprendre les modèles économiques de Keynes et Friedman ! Mais pourquoi donc ? Pour prouver que je n’étais pas simplement intelligente mais brillante.
C’est d’ailleurs dans un cours d’algèbre à l’université York que j’ai fais la connaissance de Shauna Saunders, une petite rouquine à lunettes originaire de la Saskatchewan déjà occupée à refaire le monde. Je n’avais aucune chance dans ce cours destiné aux futurs économistes de la Banque du Canada, mon résultat catastrophique à l’examen de mi-session me l’ayant rappelé de façon brutale. Durant la pause, Shauna m’avait offert une boite de Smarties question de me remonter le moral. “I’m giving you Smarties because I still think you’re smart." À chaque fois que j'en mange, je pense à Shauna et à ce moment charnière de mon existence où j’ai commencé à me dire qu’il existait peut-être d’autres formes d’intelligence. Que pour être appréciée et réussir dans la vie, il valait mieux être dotée d’une intelligence émotionnelle que d’être un génie mésadapté socio-affectif ! Et surtout, qu'il était possible de « briller » avec du charisme et de la personnalité sans nécessairement avoir obtenu un MBA !
Malheureusement, mon obsession de la musique et des mathématiques revient me hanter périodiquement, particulièrement lorsque je vis une « crise d’imposteure ». Des moments où j’ai l’impression d’être la seule à ne pas « catcher », d’être complètement à côté de la plaque, que mes réalisations sont en fait l’oeuvre du Saint Esprit... Et c’est une bataille de tous les instants d’arriver à me convaincre que je suis le moindrement intelligente. Cent fois plus dur que d’apprendre une sonate ou que de résoudre une équation différentielle.
Quel est le plus beau compliment que l’on puisse me faire ? Me dire que je ne fais pas mon âge évidemment mais surtout, me dire que je suis intelligente. Mieux encore, que je suis brillante. Qualificatif indissociable du piano et des mathématiques - des thèmes récurrents dans ce blogue - et qui symbolise la coche au dessus, le champagne et le caviar de l’intelligence.
« Et que c’est brillant c’te p’tite fille là », était la phrase fétiche de mon père pour décrire les jeunes pianistes et violonistes qui fréquentaient son école à vocation musicale. Les brillants et brillantes étant également ceux et celles qui n’avaient pas besoin de visualiser une tarte pour comprendre le concept des fractions ! Bref, pour être intelligente et surtout « briller », il fallait être bonne en maths et jouer du piano. C’est en tout cas le modèle que j’ai mis en place très tôt dans l’enfance et qui m’a suivi une bonne partie de ma vie... Sauf que je n’ai jamais été bonne en maths et très moyenne au piano, surtout quand venait le temps de calculer le nombre de doubles croches dans une ronde.
Le piano a été évacué assez rapidement, plus précisément à l’âge de douze ans, suite à une contre-performance lors d’un concert de Noël. Enrhumée, fatiguée et avouons-le, ayant expédié mes pratiques, j’ai eu un blanc au premier morceau, une exigeante sonate de Mozart qui avait provoqué cris et larmes en répétition. Après cinq longues minutes de néant total, je crachai finalement un morceau insignifiant de deuxième année de piano : le jongleur. La honte ! Un enfant de cinq ans aurait fait mieux que ça. Même si les petites mamies de la Place Rosemère ont bien essayé de me consoler, c'en était fait de ma carrière de pianiste. J’ai d’ailleurs toujours refusé de jouer en public depuis...
Avec les maths, c’est une autre histoire. Je n’aime pas et je n’aimerai jamais les chiffres. En fait, je les DÉTESTE, pire, je les crains. Ne me demandez pas de retenir un numéro de téléphone ou une combinaison de cadenas, je n’y arriverai pas. Je compte encore sur mes doigts, je suis incapable de séparer l’addition et je refuse d’apprendre à utiliser Excel convenablement. Pourtant, qui s’est tapé tous les cours de calcul différentiel et d’algèbre linéaire au Cégep ? C’est Bibi ! Et même à l’université, étudiante en sciences humaines et sociales, je me suis mise en tête de refaire des intégrales et des vecteurs, question de bien comprendre les modèles économiques de Keynes et Friedman ! Mais pourquoi donc ? Pour prouver que je n’étais pas simplement intelligente mais brillante.
C’est d’ailleurs dans un cours d’algèbre à l’université York que j’ai fais la connaissance de Shauna Saunders, une petite rouquine à lunettes originaire de la Saskatchewan déjà occupée à refaire le monde. Je n’avais aucune chance dans ce cours destiné aux futurs économistes de la Banque du Canada, mon résultat catastrophique à l’examen de mi-session me l’ayant rappelé de façon brutale. Durant la pause, Shauna m’avait offert une boite de Smarties question de me remonter le moral. “I’m giving you Smarties because I still think you’re smart." À chaque fois que j'en mange, je pense à Shauna et à ce moment charnière de mon existence où j’ai commencé à me dire qu’il existait peut-être d’autres formes d’intelligence. Que pour être appréciée et réussir dans la vie, il valait mieux être dotée d’une intelligence émotionnelle que d’être un génie mésadapté socio-affectif ! Et surtout, qu'il était possible de « briller » avec du charisme et de la personnalité sans nécessairement avoir obtenu un MBA !
Malheureusement, mon obsession de la musique et des mathématiques revient me hanter périodiquement, particulièrement lorsque je vis une « crise d’imposteure ». Des moments où j’ai l’impression d’être la seule à ne pas « catcher », d’être complètement à côté de la plaque, que mes réalisations sont en fait l’oeuvre du Saint Esprit... Et c’est une bataille de tous les instants d’arriver à me convaincre que je suis le moindrement intelligente. Cent fois plus dur que d’apprendre une sonate ou que de résoudre une équation différentielle.
* When I was still trying to figure out what to do with my life, Shauna Saunders already knew she wanted to do a Ph.D in Economics. Growing up in the Prairies, she had witnessed child and women poverty among Aborigial communities, and was determined to find solutions to reduce the gab between rich and poor. After her undergraduate studies at York, she went on to pursue a Masters’ Degree at U of T and a Ph.D. at Duke University. Shauna is one of the most gifted individials I have ever met in my entire life but unfortunately, she was also seriously ill with Crohn’s disease. She died of kidney failure shortly after she submitted her doctoral thesis. Shauna, you always told me the most beautiful thing about Saskatchewan was its endless blue sky. I hope this is where you are.
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