jeudi 22 décembre 2011

Le Noël de l’imposteure

« Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas de laisser deux Ativans dans mon petit soulier ! »

Vous l’aurez deviné, le temps des fêtes est une période extrêmement anxiogène pour moi. Un temps de l’année où mon syndrome se manifeste avec la force d’un volcan. Ce qui est paradoxal, puisque j’adore Noël et le Jour de l'an même si j’ai souvent eu envie que cette période se termine avant même qu’elle n’ait commencée.

À cause :

De la course folle dans toutes les boutiques du centre-ville et même (soupir) dans les centres commerciaux de banlieue.
De l’achat des cadeaux. Pas la bonne affaire ? Cheapette ? Too much ?
Du retour des cadeaux... avant même de les avoir offerts. Du ré-achat, du re-re-retour.
De la quête du sapin parfait, avec un beau top, pour que l’étoile soit droite.
De la répartition des maudites lumières dans l’arbre, de façon équilibrée, en prenant soin de bien camoufler le fil, sans faire tomber trop d’épines dans la bouche de chauffage.
Du gaspillage honteux de papier collant.
De ma famille : « Qu’est-ce que tu fais de bon ? Tu ne travailles pas... ha... » .
De sa famille...
De la nappe, toujours trop courte ou trop longue.
Sans oublier le ragoût frette, les patates pas assez salées, les carottes ratatinées, le vin qui n’a pas assez respiré, la salade oubliée sur le coin du comptoir. The list goes on.

À chaque année, je subis le même supplice. Debout au milieu de ma cuisine, je suis soudainement prise d’un vertige, mon cerveau ne répond plus et j’ai besoin d’absorber une grande quantité d’alcool pour m’en sortir. M’imaginer seule sur une plage de Maui m’aide aussi à surmonter l’épreuve.

« Fais-le pas si ça te stresse tant que ça ! » me répète mon chum. « Ben non ! Si je reçois pas, qui va le faire ? ». Sans vouloir me déprécier, je ne suis pas la meilleure hôtesse. Trop exigeante, trop insécure, j’ai déjà dit à mes convives en les servant que ce qu’ils s'apprêtaient à manger était infecte ! Mais je persiste parce qu’en dépit des malaises et des tensions, je demeure une inconditionnelle de la famille, une sentimentale, avec un grand besoin de tradition. Et j’imagine qu’on me pardonne mes plats froids et mon manque de décorum parce que c’est quand même chez moi que se réunissent les gens.

Cette année, j’ai bon espoir de garder mon anxiété sous contrôle, puisque j’ai déjà fait quelques micro pas dans la bonne direction. J’ai délégué le choix du sapin à ma douce moitié, en m'assurant de quitter la pièce au moment de l'installation des lumières. Je n’ai formulé aucune critique ou « suggestion », préférant me laisser charmer par les éclats de rire de mes enfants sur fond de vieux jingles de Crosby et Sinatra.

Je vous laisse d’ailleurs sur
Rockin’ Around the Christmas Tree, de Brenda Lee, un classique qui me met instantanément de bonne humeur. À chaque fois que je l’entends, je m’imagine en train de déambuler sur la Cinquième Avenue à New York sous une fine neige, les joues rosées, des paquets plein les bras.

Joyeuses fêtes ! En espérant vous retrouver en 2012 pour d’autres billets.



vendredi 16 décembre 2011

Karaté ! Karaté ! Assassiner la voix

Je pense que je suis folle. So what, me direz-vous, on l’est tous un peu... Non mais vraiment folle, au point d’avoir souvent considéré faire ma petite valise et me présenter à l'urgence de l’hôpital Douglas. Histrionique ? Beaucoup. Hypocondriaque ? Énormément. Je me suis déjà auto-diagnostiquée tous les troubles mentaux du DMS-IV, de la bipolarité à la schizophrénie, en passant par les troubles obsessionnels compulsifs. C’est parce que voyez vous, j’entends une voix. Rien à voir avec les conspirations communistes imaginées par John Nash dans Beautiful Mind. Non, une seule et unique voix : la mienne. Méchante, intransigeante et sournoise. Toujours au rendez-vous pour me casser mon party et me rappeler que je suis juste ordinaire et dans les journées de grande forme, que je suis carrément nulle.

Je ne me souviens plus exactement quand « la voix  » est apparue. Elle a probablement toujours été là mais sa présence s’est intensifiée à la naissance de mes jumeaux et à pris une ampleur démesurée lors de mon retour au travail. Épuisée émotionnellement, siffonée par mes deux petits vampires, je n’avais plus la force mentale de la repousser. Toute résistance s’est avérée futile et « la voix  », triomphante, a fini par résonner dans tous les recoins de mon cerveau.

C’était au printemps et depuis, je tente par tous les moyens de m’en débarasser. J’ai d’abord essayé de l’envoyer paître mentalement, sans succès. Puis, de me répéter le grand classique des mantras féminins « t’es bonne, t’es belle, t’es capable ». La voix a trouvé ça pathétique et a ri à gorge déployée. Et il y a eu la goutte qui a fait débordé le vase : le blogue. « Tiens la voix !  ». « T’es bouchée, hein ! ». « Un beau blogue original, bien écris... ». La vache, elle a eu le culot de trouver ça poche !

Il ne me restait qu’une option : l’assassiner. Mais comment ? J’ai tout essayé, les insultes, les mantras, l’indifférence, rien ne marche, je suis infectée ! Un beau jour, j’ai simplement décidé de lui claquer la porte au visage en demandant à mon esprit de lui crier Karaté ! Karaté ! chaque fois qu’elle osait se présenter. Ça a marché... la voix a été affaiblie certes mais j’étais complètement brûlée, parce que tout un été de karaté mental, ça vous laisse la tronche en compote. Et moi qui me suis toujours sentie anormale... disons que Karaté ! Karaté ! n’a rien fait pour arranger l’auto-diagnostic de schizophrénie...

Six mois plus tard, la voix est encore présente mais elle vivotte. Et le plus extraordinaire dans tout ça, c’est que je suis en train de la mater avec nulle autre que la course à pied ! Ho, oui, la course. C’est une douce vengeance que de la faire mourir à petit feu en se mettant en forme, elle qui m’a répété si souvent que je n’étais pas une vraie joggeuse, que j'étais une pâte molle, une lâcheuse. Karate ! Karate ! a été remplacé par le rythme de mon souffle, le beat de la musique dans mes oreilles et le bruit de mes runnings sur l’asphalte.

Assassiner la voix, doucement, un entraînement à la fois. La sentir plus faible et plus essoufflée que moi. Encore trois petits kilomètres et elle sera morte et enterrée, je vous le jure.




vendredi 9 décembre 2011

L'enfer, c'est les autres

« Là ! là ! Je suis le miroir aux alouettes ; ma petite alouette, je te tiens ! »
- Jean-Paul Sartre, Huis clos

Je commence en me justifiant. Dans mon dernier billet, j’annonçais la fin du chapitre de l’analyse pour passer en mode « anecdotique ». Ce n’est pas tout à fait exact... Comme je ne peux m'empêcher de décortiquer et d’élucider compulsivement, mes billets seront donc un mélange des deux ; des tranches de vie tartinées d’une généreuse couche d’analyse à 5 cents.

Voilà, c’est dit, je suis soulagée et je peux dormir en paix. Heu mais pourquoi cette importante précision au juste ? Je parie que ce détail vous avait complètement échappé et surtout, que vous vous en moquez éperdument ! C’était plus fort que moi. J’étais convaincue d’avoir manqué de cohérence dans mes propos, faute grave pour tout manieur de plume qui se respecte. Je suis une blogueuse légitime seulement si j’ai votre approbation, parce que c’est dans votre regard que j’existe. Bienvenue dans mon enfer : les autres.

Bon, c’est un un peu lourd d’existentialisme tout ça mais j’exagère à peine, je vous le jure ! C’est tout à fait normal d’éprouver le besoin de plaire, sauf que quand il s’agit de la coiffeuse, du chauffeur d’autobus et du gars du dépanneur, on a un problème ! Combien de fois dans un contexte professionnel ai-je omis de donner mon opinion ou de prendre position sur un sujet de peur d'avoir l'air nouille devant mes collègues ? Sans compter les fois où je me suis laissé démolir par la critique d’un patron concernant un de mes projets. Et ces foutus courriels que j’ai relus deux, trois, quatre et même cinq fois avant d’appuyer sur le bouton Send ! Et le piéton à qui j’ai donné les mauvaises directions et que j’ai rattrapé à la course pour rectifier. Et la voisine à qui j’ai envoyé la main et qui m’a ignorée simplement parce qu'elle ne m'avait pas vue et dont le « non-geste » m'a rendu malheureuse. Et mon chum que j'ai harcelé quand il ne m'a pas adressé la parole parce qu’il était distrait ou fatigué : « Qu’est-ce qu’il y a ? », « Qu’est-ce que j’ai fait ? », « Tu es fâché ? », « Tu ne m’aimes plus ? ». Et quand j’ai décidé de rendre ce blogue public, seigneur... Un fois le lien publié sur Facebook, je me suis roulée en boule sous la table le coeur battant, refusant jusqu’au soir d’aller lire vos commentaires ! Des exemples comme ceux-là, j’en ai assez pour noircir les pages de dizaines de cahiers.

La dépendance à l’approbation des autres est un enfer sans fond et ce qui est décourageant dans mon cas, c’est qu’elle englobe tout le monde, même ceux qui n’ont aucune importance à mes yeux. Cette dépendance me pèse et j’ai envie de la jeter par la fenêtre ! Mais comment fait-on pour s’en foutre ? Pas complètement, juste un peu, au bon moment, avec les bonnes personnes. Comment fait-on pour doser ?

Et bien avant même d’apprendre à manier la dosette, je dois évaluer mon niveau d’exigence envers moi-même, qui, aux dires de la Psy, est complètement irréaliste. Comme je suis sans pitié à mon égard, j’ai besoin de l’approbation et surtout des éloges d’autrui pour me donner confiance. Si je ne l’obtiens pas, je déprime.

Soupir... C’est du gros boulot que d’arriver à se défaire d’une emprise comme celle-là. Tiens, pour me réconforter je vais relire Huis clos et ricaner en savourant les flèches venimeuses d’Inès à l’endroit de cette pauvre Estelle. Rire... ou bien pleurer ?

jeudi 1 décembre 2011

La correction négative

Jusqu’à présent, mes billets ont été rédigés avec l’intention d’établir le personnage de l’imposteure en exposant ses origines. Un personnage qui a mis des années à se construire sur la base de croyances tenaces et de quêtes obsessionnelles, qui a pris des proportions démesurées et qui aujourd’hui tient le premier rôle dans ma vie. Avant d’entamer la portion anecdotique de la manifestation de mon syndrome, je souhaite aborder un dernier thème central à l'imposteure : la correction négative.

Ce billet aurait pu s’intituler « recherche compulsive de la perfection » mais je préfère employer le terme « correction négative », puisqu’il me rappelle les dictées de mon enfance. En fait, je vis une évaluation constante. Du levé au couché, du lundi au dimanche, du mois de janvier au mois de décembre, sans oublier les nombreux bilans de vie... de quoi vous rendre complètement dingue ! Vous vous demandez sûrement « mais qui l’évalue au juste ? ». Et bien moi... et surtout, les autres.

Pour me sentir à ma place, pour me valider comme fille « qui a rapport » dans son rôle de mère, dans sa job, dans ses interactions sociales, dans ses choix et dans la vie en général, je dois TOUJOURS obtenir une note parfaite. Je commence chaque journée avec un score de 100 % et au fil des heures, je perds des points, j’en regagne, j’en reperds etc. mais je termine rarement avec un score satisfaisant. Et même les journées remplies de bons coups finissent par être assombries par ce que je considère être des gaffes ou des erreurs monumentales. Des trucs mineurs mais qui dans ma tête, se transforment en scénarios de fin du monde !

C’est que dans le petit monde de Catherine Masson, un -1 à la dictée s’avère certainement un détail anodin pour le commun des mortels. Des dents croches -1, impatience avec mes enfants -1, un texte à retravailler -1, un deadline manqué -1, une engueulade avec mon chum -1, seulement 5km de jogging -1, une poutine...-10 !

La correction négative est devenue un handicap majeur dans ma vie. Parce qu’en plus de me l’imposer constamment, je ressasse « mes erreurs » jusqu’à épuisement. Au lieu de me dire « OK, c’était moyen mais c’est pas grave, je ferai mieux la prochaine fois », j’analyse et je décortique ad nauseam, jusqu’à me donner des migraines et à me causer de l’insomnie. Parce que « les erreurs » entachent ma dictée et me privent du score parfait qui valide ma compétence et ma pertinence, provoquant à tout coup une terrible remise en question et un torrent d’anxiété.

C’est récemment que j’ai pris conscience de ce comportement destructeur. Les quelques personnes à qui j’en ai parlé sont restées bouche bée devant la rigidité et la sévérité que je m’imposais. Et honnêtement, n’eût été du presto qui était sur le point de sauter, j’aurais continué à me corriger obstinément. Fait ironique, moi qui ai toujours détesté les examens...

Je progresse, même si le crayon rouge n’est jamais très loin. On ne se reprogramme pas aussi facilement ! En attendant, je m’accorde un point pour avoir été capable de reconnaître et de m’attaquer au problème.