vendredi 6 janvier 2012

Les attentes

"Habit is habit, and not to be flung out of the window by any man, but coaxed downstairs a step at the time."
- Mark Twain, Pudd’nhead Wilson

Le matin de Noël 2011, j’étais en grande forme. Levée tôt, énervée et énervante, attendant avec fébrilité le Grand moment où mes enfants, pour la première fois en trois ans, allaient déballer leurs cadeaux et exploser de joie en découvrant les jouets tant désirés... échec cuisant. Moi qui pensais avoir exorcisé tous mes vieux démons dans mon précédent billet Le Noël de l’imposteure, je me suis fait prendre comme une novice, succombant à l’une de mes plus tenaces habitudes : les attentes.

Je suis la championne du monde des scénarios. À l’approche d’un événement important, mon imagination débridée se met en marche et concocte un conte épique dont je suis l'héroïne : grandiose et surtout, parfait. Évidemment, rien n’est parfait et les choses se déroulent rarement comme prévues. C’est justement ce qui fait la beauté de la vie me direz-vous mais moi ça m'embête, ça me déstabilise... non en fait, ça me fait carrément perdre les pédales. Je deviens insupportable. Ignorant complètement mon entourage, je me réfugie dans les profondeurs abyssales de mon cerveau afin d’identifier la cause exacte de « l’échec », le glitch dans la matrice. Ensuite, je pète des coches : « Pourquoi ça ne marche pas !? », « C’est de la grosse merde ! », « Je ne peux pas croire que ça arrive ! ». Des épisodes navrants, systématiquement accompagnés d’un sentiment de déprime intense. Le plus absurde dans tout ça c’est que rien ne cloche... sauf dans ma tête. Je le sais mais c’est plus fort que moi. Impuissante, je n’arrive pas à décrocher, je m’enfonce.

Habituellement, c’est mon chum qui se charge de me rappeler à l’ordre mais avec les années, je comprends qu’il soit devenu un peu las... À Noël, devant mes rejetons confus, je n’ai eu d’autre choix que de me prendre en main. Après un long monologue stérile au cours duquel j’ai répété en boucle des propos du genre : « Tout ce qui les intéresse c’est de déchirer du papier !? », « On dirait qu’ils se foutent de leurs cadeaux ! », « Je le savais, nous les avons trop gâtés... », « Avoir su, je n’aurais pas couru aux quatre coins de la ville ! », j’ai soudain pris conscience de ce qui m’entourait. Une maisonnée remplie d’amour et de petits rires joyeux, la santé, l’abondance et je me suis crié, de ma voix intérieure la plus forte : « Réveille la grande, c’est quoi le problème !? ». You have everything!

Je finis toujours par me ressaisir, par accepter la situation, par avoir du plaisir mais je dois me taper ce passage obligé, me torturer, pourquoi ? Moi qui déteste tellement me sentir comme ça !

La gestion des « attentes » sera un de mes principaux défis au cours de la prochaine année. Vous dire que j’ai identifié la source de cette malheureuse propension serait un mensonge. Et je ne suis pas certaine non plus de savoir comment m’y prendre pour dompter la bête. Une chose est sûre, en laissant « les attentes » m’envahir de la sorte, je commets un crime impardonnable : je ne profite absolument pas du moment présent.

C’est cette énorme réalisation qui m’a frappée de plein fouet le matin de Noël 2011. Et j’ai eu honte. Que je laisse mon masochisme émotionnel bousiller ma vie passe encore, mais pas celle de mes proches. C'est un bon point de départ. Je vais certainement me projeter dans une fable olympique, victorieuse, recevant la palme de celle qui maîtrise parfaitement son envie de tout contrôler... Tant mieux si cela m’aide à me motiver mais dans la réalité, chaque petite victoire s’imbriquera dans mon quotidien, dans mon moment présent, que je me ferai un devoir de savourer même s’il goûte moins bon que ce que j’avais imaginé.



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